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Somnolence au volant : un danger pour l’entreprise, une obligation de prévention pour les employeurs



Lundi 4 Août 2025 - 11:09

Le 31 juillet 2025, l’association 40 millions d’automobilistes a publié les résultats d’une expérience inédite sur simulateur, révélant les effets réels de la somnolence sur les conducteurs. Alors que les déplacements professionnels représentent une part significative du trafic routier quotidien, cette étude interroge directement les employeurs sur leur rôle dans la prévention de ce danger. Selon la Sécurité routière, 30 % des accidents mortels sur autoroute sont dus à la fatigue. Un chiffre qui impose une prise en compte structurelle dans toute organisation faisant circuler ses salariés.


Une étude qui met en lumière un danger invisible sur la route

Trois conducteurs, d’âges et profils variés, ont été soumis à six heures de conduite en simulateur, dont deux heures entre 2 h et 4 h du matin, période physiologiquement critique. Les résultats sont unanimes :
    • Tous les participants ont fermé les yeux à plusieurs reprises durant la conduite, pour une durée cumulée allant jusqu’à 18 minutes, sans interruption de la simulation ;
    • Une baisse marquée de la vigilance, une détérioration de la trajectoire et une réduction des distances de sécurité ont été observées dès la troisième heure de conduite continue ;
    • Le conducteur de 21 ans a multiplié les vérifications visuelles inutiles (rétroviseurs, tableau de bord), signe de stress visuel et d’hypervigilance inefficace.

L’expérience, inédite dans sa méthode, reproduit fidèlement les conditions de nombreux trajets professionnels : longs, nocturnes, parfois sans pause réelle. Elle révèle des mécanismes de défaillance cognitive que le salarié ne perçoit pas, mais que l’entreprise ne peut plus ignorer.

Conducteurs salariés : des profils à risque pour l’entreprise

Que ce soit dans le secteur du transport, de la maintenance, du BTP ou dans les fonctions commerciales, des milliers de salariés prennent le volant chaque jour dans le cadre de leurs fonctions. Ces trajets exposent à un risque spécifique, souvent sous-évalué par les employeurs :

    • Les salariés peuvent être soumis à des plannings trop serrés, incompatibles avec le respect des temps de pause recommandés ;
    • Certains conduisent de nuit ou en horaires décalés, en dehors des périodes de vigilance naturelle ;
    • D’autres sont incités à enchaîner plusieurs déplacements longs sans réelle récupération.

En l’absence de mesures préventives formalisées, un accident lié à la somnolence peut être reconnu comme accident du travail, voire engager la responsabilité pénale de l’employeur (article L.4121-1 du Code du travail), en cas de manquement à l’obligation de sécurité.

Des actions concrètes pour réduire le danger et la responsabilité

La somnolence est un risque organisationnel, qui peut et doit être encadré par l’entreprise. Voici les leviers à la disposition des directions RH, des services généraux et des équipes QVCT :

    1. Intégrer un volet “fatigue au volant” dans le Document Unique d’Évaluation des Risques (DUERP), en évaluant les situations de conduite à risque (déplacements longue distance, conduite de nuit, absence de pause).
    2. Adapter les plannings de déplacement : éviter la planification de rendez-vous trop matinaux ou trop éloignés les uns des autres, inclure systématiquement des temps de pause, et limiter les retours après 20 h.
    3. Former les salariés itinérants aux signaux d’alerte de la somnolence, avec des modules dédiés dans les sessions sécurité, intégrant les dernières données comportementales et physiologiques.
    4. Inclure des dispositifs technologiques embarqués dans les véhicules de service ou de fonction : assistance de maintien dans la voie, alerte de perte d’attention, détection de clignement prolongé.
    5. Créer une culture managériale de la sécurité routière : responsabiliser les encadrants sur les risques liés à la fatigue et leur permettre d’ajuster les objectifs opérationnels ou commerciaux en cas de fatigue signalée.
 

Somnolence et droit du travail : une vigilance juridique impérative

Au-delà des enjeux humains et économiques, l’entreprise s’expose à plusieurs niveaux de responsabilité en cas d’accident lié à la somnolence d’un salarié :
    • Responsabilité civile en cas de dommages causés à des tiers ;
    • Responsabilité pénale pour manquement à l’obligation de sécurité, si aucune mesure préventive n’a été mise en œuvre ;
    • Contentieux prud’homal si le salarié estime avoir été exposé à un risque grave sans encadrement adéquat.

Les assureurs et organismes de prévention (CARSAT, INRS) incitent désormais les entreprises à documenter activement leur politique de sécurité routière, y compris la gestion de la fatigue.

La somnolence au volant est un facteur de risque professionnel majeur, trop souvent négligé. L’étude de 40 millions d’automobilistes montre que la perte de vigilance n’est ni rare, ni maîtrisable consciemment, même chez des conducteurs expérimentés. L’entreprise a les moyens d’agir en amont : par la formation, l’organisation des plannings, l’équipement des véhicules et l’encadrement managérial.

 


François Lapierre







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