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Bancassurance : la consolidation, une réponse aux impératifs de stabilité ?



Vendredi 14 Novembre 2014 - 18:48

Le secteur de la bancassurance a été marqué par plusieurs mouvements de concentration au cours des dernières années. Faut-il y voir uniquement des motivations concurrentielles, ou plus simplement, les manifestations de nouvelles politiques prudentielles ?


Le siège du Crédit Lyonnais, absorbé par le Crédit Agricole en 2004. Prémices des mouvements de concentrations ?
Le siège du Crédit Lyonnais, absorbé par le Crédit Agricole en 2004. Prémices des mouvements de concentrations ?
La bancassurance est un secteur en pleine mutation. Largement impactées par la crise de 2008, banques et assurances ont, au cours des dernières années, fait face à une nouvelle équation réglementaire, financière et concurrentielle. Secoués par la crise, remis en cause par de nouvelles règlementations prudentielles – Bâle 3 pour les banques, et Solvabilité 2 pour les assureurs –, les acteurs de la bancassurance ont aujourd’hui amorcé un mouvement de consolidation. Mais des tendances différentes se dégagent selon les secteurs.
 
Fusions et rapprochements
 
Comme toute crise, celle de 2008 a présenté son lot d’opportunités, parmi lesquelles les fusions et les rapprochements entre grandes enseignes bancaires et d’assurances, fragilisées ou non par les événements. Pour ce qui est des banques, celles « françaises sont sorties de la crise. Mais pas dans le même état », écrivait ainsi Le Figaro début 2011. À cette époque en effet, le groupe BPCE, issu de la fusion des Banques Populaires et les Caisses d’Épargne, dévoilait ses premiers résultats, avec « un bénéfice équivalent à celui du Crédit Agricole ». « Grâce à cette fusion […] BPCE est, en fait, le seul dont le profit a augmenté depuis 2006, alors que sa filiale Natixis s'est révélée l'un des établissements français les plus touchés par les subprimes », relate encore Le Figaro.
 
En janvier 2014, BPCE était une entreprise solide enregistrant 17,1 milliards d’euros de produit net bancaire et fédérant quelque 115 000 employés. « Il n'y a pas de grand plan de fusions, comme il y a pu en avoir par le passé dans les Caisses d'Épargne et dans les Banques Populaires », commente François Pérol. Mais, pour l’actuel dirigeant du groupe BPCE, « cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de rapprochement au cas par cas ». Le dirigeant cite par exemple le rapprochement à l’étude des Banques Populaires d’Alsace et de Lorraine-Champagne. Pour François Pérol en effet, favoriser les synergies entre les banques est plus important que de « créer une offre spécifique, “low cost” à destination des clients 100 % digital » comme l’a fait BNP Paribas avec Hello Bank par exemple.
 
Du côté des assureurs, ce n’est pas non plus un hasard si le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA) a édité en juin 2013 un baromètre prospectif s’étalant jusqu’en 2018 concernant le secteur. L’année a en effet été une année riche en évènements pour la profession. Le ralentissement de l’activité économique, conjugué au vieillissement de la population et aux nouvelles exigences réglementaires, a poussé les assureurs à s’adapter. Dans le domaine des complémentaires santé par exemple, « la loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013 aboutira, dès janvier 2016, à l’obligation pour les entreprises de participer au financement de la couverture complémentaire santé de leurs salariés. On va donc assister à une reconfiguration du marché des complémentaires santé et, de façon mécanique, l’intensité concurrentielle ira croissante sur le segment des régimes collectifs », observe Franck Bergère, directeur de l’Organisation Qualité Contrôle et Risque de la Mutuelle SMI.
 
Une concurrence qui s’intensifie
 
En juin 2013, Bernard Spitz, président de la Fédération français des sociétés d’assurances (FFSA) a tenu une conférence de presse. La synthèse de l’évènement permet de comprendre comment le secteur a rompu avec deux années de collecte négative. D’après Bernard Spitz, les assureurs ont en effet retrouvé le chemin de la croissance, portés par le dynamisme des contrats « risques des professionnels et des TPE-PME en assurances de Bien et responsabilités », et par le « redressement du marché des particuliers » en partie soutenu par l’assurance-vie. Quant aux perspectives pour l’année 2014, Bernard Spitz relevait à l’époque une probable progression du chiffre d’affaires de l’assurance auto ainsi que des assurances multirisques habitations. « L'assurance française a repris des couleurs », souligne -t-il ainsi début 2014. Mais « les choses sont fragiles. Tout dépendra de la conjoncture économique » tempère le président de la FFSA.
 
Or la conjoncture économique se prête manifestement aux rapprochements. Selon le Banking Structures Report 2014, réalisé par la BCE en octobre 2014, « la consolidation en cours du système bancaire de la zone euro s’est poursuivie en 2013. Le processus de rationalisation indique que l’efficience globale du système continue de se renforcer. Le nombre total d’établissements de crédit a encore diminué, revenant à 5 948 en 2013, après 6 100 en 2012 et 6 690 en 2008. » Des chiffres logiques et découlant d’une prise de conscience du secteur, si l’on considère que le Comité européen du risque systémique a publié en juin 2014 un rapport intitulé « Y a-t-il trop de banques en Europe ? » Mais ils sont en réalité plutôt dus aux appétences retrouvées pour le risque et à l’amélioration des valorisations, selon Jupiter AM.
 
La logique est quelque peu différente dans le secteur de l’assurance, notamment du côté des mutuelles, puisque ce sont davantage les évolutions législatives récentes qui incitent aux rapprochements, que les considérations purement financières. Pour faire face aux futurs bouleversements du marché des complémentaires santé induits par l’ANI et par l’assimilation progressive des normes prudentielles Solva 2, les grands acteurs s’organisent.
 
En témoigne la stratégie de consolidation poursuivie par la société de groupe d’assurance mutuelle (SGAM) Covéa. Elle, qui réunit déjà trois des plus grands assureurs français que sont GMF, la MAAF et MMA, a intégré en son sein, courant 2013, la Mutuelle SMI spécialisée dans les contrats collectifs. Le président de la SGAM justifiait ce rapprochement par la nécessité « de mieux répondre aux appels d’offre d’entreprise ou de branche en matière d’assurance santé et de prévoyance (…) La mutuelle SMI complète les orientations stratégiques et la croissance volontariste de MMA sur le marché professionnels et entreprises ». Le portefeuille de la mutuelle SMI étant historiquement composé de PME et d’ETI, son intégration a  permis à Covéa de porter à plus de 3 millions le nombre de ses assurés sur le segment de la santé collective. Pour rappel, la SGAM Covéa compte désormais dans ses rangs plus de 11 millions d’assurés tous segments confondus, et a réalisé un chiffre d’affaires de 15,5 milliards d’euros en 2013 soit une croissance de 5,8 % par rapport à 2012 d’après un communiqué.
 
Dans la banque comme dans les assurances, les rapprochements sont une manière de pallier les incertitudes à venir sur les futures reconfigurations du marché. C’est aussi naturellement une façon de gagner en volume et en part de marchés, l’union faisant la force et devant surtout permettre de passer sans encombre les prochaines tempêtes conjoncturelles ou législatives. Rien ne dit que nous avons connu la dernière ou la pire des crises financières. Mais certains sont peut-être prêts, davantage que d’autres, à affronter la prochaine. 


La Rédaction







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