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Ruptures conventionnelles : la fin annoncée de l’emploi à vie dans la fonction publique



Vendredi 22 Août 2025 - 19:01

Les ruptures conventionnelles s’apprêtent à transformer en profondeur la fonction publique : un dispositif inspiré du privé, déjà expérimenté depuis 2020, que le gouvernement veut désormais pérenniser. En jeu : la remise en cause du principe d’emploi à vie des fonctionnaires et une réorganisation assumée des effectifs de l’État.


Les ruptures conventionnelles, un dispositif expérimental devenu incontournable pour la fonction publique

Depuis le 23 août 2025, le débat sur les ruptures conventionnelles s’impose dans la fonction publique. Le ministre Laurent Marcangeli a confirmé que l’expérimentation lancée en 2020 ne s’arrêterait pas fin décembre 2025, comme prévu, mais qu’elle pourrait devenir une règle permanente. Présentées comme un outil de modernisation, ces ruptures conventionnelles permettraient aux fonctionnaires de quitter leur poste avec indemnités et droits au chômage. Mais elles ravivent les inquiétudes autour de la fin de l’emploi à vie.

Le mécanisme des ruptures conventionnelles a été créé dans la fonction publique en 2020, à titre expérimental. Inspiré du droit du travail privé, il permet à un agent et à son administration de se séparer d’un commun accord, moyennant une indemnité. À défaut d’une nouvelle loi, cette expérimentation devait prendre fin au 31 décembre 2025, mais le gouvernement veut la pérenniser. Laurent Marcangeli a expliqué que ce dispositif représente « une opportunité de souplesse dans la gestion des ressources humaines ».

Entre 2020 et 2022, 4.642 ruptures conventionnelles ont été conclues dans la fonction publique d’État, pour un coût global de 107,6 millions d’euros, soit une indemnité moyenne de 20.300 euros. Ce montant ne représentait que 0,03% des dépenses de personnel de l’État. Ces chiffres, bien que modestes, montrent l’existence d’une véritable demande, notamment de la part des agents les plus exposés à l’usure professionnelle.

Quels droits pour les fonctionnaires concernés par une rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle ouvre au fonctionnaire le droit à une indemnité et à l’allocation chômage. L’âge moyen des bénéficiaires était de 50 ans en 2020 et de 47,8 ans en 2022. Ce rajeunissement montre que le dispositif n’est pas réservé aux fins de carrière mais intéresse aussi des agents souhaitant se réorienter.

Les trois quarts des ruptures ont concerné l’Éducation nationale. Pour beaucoup d’enseignants, il s’agit d’une porte de sortie face à un métier devenu difficile. Le dispositif est ainsi perçu comme un levier de mobilité professionnelle, permettant à certains de se reconvertir dans le secteur privé, où les compétences acquises sont valorisées. « Succès certes limité mais réel », a résumé le ministère de la Fonction publique dans une réponse parlementaire du 5 août 2025.

La fin programmée de l’emploi à vie pour les fonctionnaires

La perspective de généraliser les ruptures conventionnelles soulève une question plus large : celle de la remise en cause de l’emploi à vie. Pour François Bayrou, Premier ministre, il s’agit de « contribuer aux 43,8 milliards d’euros d’économies attendues dès 2026 ». Autrement dit, la réforme n’est pas seulement sociale, elle est aussi budgétaire.

Deux options sont sur la table pour inscrire cette mesure dans la loi : l’intégrer au projet de loi de finances 2026 ou l’ajouter à un projet de loi de simplification RH à l’automne. Cette volonté traduit une orientation claire : l’État souhaite en finir avec la garantie absolue d’un poste à vie pour ses fonctionnaires, remplacée par une logique de gestion active des effectifs.

Les inquiétudes syndicales face à un changement de paradigme

Si le gouvernement met en avant la souplesse et la responsabilisation, les organisations syndicales expriment leurs craintes. Pour la CFDT, cette évolution est le signe d’une « dégradation des conditions de travail et des rémunérations ». Derrière la possibilité de choisir un départ, elles redoutent des pressions exercées sur certains agents pour quitter la fonction publique.

De plus, les syndicats craignent que l’extension des ruptures conventionnelles serve à réduire discrètement les effectifs. Le coût, modeste à l’échelle de l’État, pourrait masquer une stratégie de long terme visant à alléger la masse salariale. Le bilan transmis au Parlement le 14 mars 2025 mentionne d’ailleurs des risques d’« effet d’aubaine ou de dévoiement ». Autant d’alertes qui alimentent le débat sur la véritable finalité de cette réforme.


Anton Kunin







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