managementhebdo

L'intelligence artificielle, désormais une « alternative » au recrutement d'un jeune diplômé ?



Vendredi 10 Octobre 2025 - 11:25

Le dernier rapport du British Standards Institution (BSI) révèle une tendance majeure : plus de 40% des entreprises dans le monde prévoient d’utiliser l’intelligence artificielle pour pourvoir des postes autrefois réservés aux jeunes diplômés. Loin d’être un simple phénomène technologique, cette mutation traduit un virage profond dans les pratiques de management et la gestion des talents.


L’IA s’impose au cœur des décisions RH

L’intelligence artificielle (IA) ne se contente plus de transformer les produits ou les chaînes logistiques : elle bouleverse désormais la fonction RH. D’après le rapport « Evolving Together: Flourishing in the AI Workforce », 41% des dirigeants estiment que l’IA permet des réductions d’effectifs, tandis que 31% examinent systématiquement des solutions d’automatisation avant d’envisager un recrutement humain. Cette approche, longtemps cantonnée aux services informatiques, s’étend désormais à la gestion des talents.

Pour les responsables RH, l’IA devient un instrument d’arbitrage entre performance et effectifs. En Europe, 43% des dirigeants britanniques prévoient de réduire les postes de début de carrière dans les douze prochains mois, jugeant que l’automatisation optimise la productivité. Les grandes entreprises se montrent les plus agressives : une sur deux a déjà supprimé une partie de ses rôles juniors, contre 30% des PME. Ce mouvement illustre un changement de paradigme managérial : l’investissement humain cède du terrain face à la rationalisation algorithmique.

Automatisation : un levier de performance, mais un défi managérial

L’étude du BSI met en lumière une priorité claire : l’automatisation supplante le développement des compétences. Dans les rapports annuels examinés par BSI, le mot « automatisation » apparaît sept fois plus souvent que « montée en compétences » ou « formation continue ». Cette tendance témoigne d’une gestion axée sur les gains immédiats plutôt que sur la valorisation du capital humain. Près de 39% des entreprises ont déjà réduit leurs effectifs d’entrée de gamme sous l’effet de l’IA, et 43% prévoient de le faire prochainement.

Pourtant, cette logique purement économique soulève un enjeu de management stratégique. L’élimination des postes juniors menace le renouvellement des compétences et la transmission du savoir organisationnel. Les jeunes diplômés, autrefois perçus comme le vivier de l’innovation interne, deviennent les premières victimes de cette mutation. Les auteurs de l'étude insistent : « Les travailleurs en début de carrière sont les plus menacés ». En négligeant cette génération, les entreprises risquent d’appauvrir leur diversité et de compromettre leur capacité d’adaptation à long terme.

Les directions des ressources humaines se trouvent donc face à une équation complexe : comment tirer parti de l’automatisation tout en maintenant une dynamique d’apprentissage et d’évolution professionnelle ? Plusieurs cabinets de conseil en management préconisent désormais des modèles hybrides combinant agents d’IA et encadrement humain, afin d’éviter une rupture entre performance technique et engagement des équipes.

Vers un management augmenté : piloter l’IA plutôt que la subir

Le rapport du BSI n’est pas uniquement alarmiste : il identifie aussi les leviers d’un management « augmenté ». 62% des dirigeants prévoient d’augmenter leurs investissements en IA dans l’année à venir, et 59% considèrent cette technologie comme essentielle à la croissance de leur entreprise. Pour les experts, cela suppose une évolution du rôle des managers : il ne s’agit plus seulement de diriger des équipes, mais aussi de superviser des systèmes d’IA et d’intégrer ces outils dans les processus décisionnels.

L’enjeu est clair : faire de l’IA non pas un substitut, mais un accélérateur de montée en compétences. Les entreprises qui réussiront cette transformation seront celles capables de réinventer la fonction managériale autour de la donnée, de la formation continue et de la responsabilité éthique. À l’inverse, celles qui se limiteront à une logique de réduction des coûts risquent de créer une organisation « plate », privée de relève et vulnérable à long terme.

L’IA redéfinit la notion même de carrière

Pour les jeunes diplômés, le rapport au travail se redessine. Les outils d’IA sont désormais intégrés à toutes les étapes du recrutement : tri automatique des CV, entretiens virtuels, évaluation prédictive des compétences. Si ces innovations accroissent la rapidité et la cohérence des processus, elles introduisent aussi de nouveaux biais et restreignent l’accès aux premières expériences professionnelles. L’IA devient donc un acteur central du parcours de début de carrière, mais aussi un filtre redoutable.

Le management de demain devra tenir compte de cette transformation. Au lieu d’opposer humain et machine, il s’agira d’orchestrer leur complémentarité : confier à l’IA les tâches répétitives pour libérer du temps d’encadrement, investir dans la formation des jeunes recrues pour qu’elles deviennent, à terme, les superviseurs de ces technologies. Comme le souligne le BSI, c’est en conciliant innovation et inclusion que les organisations pourront concilier IA et création d'un vivier de talents.


Anton Kunin


Dans la même rubrique :
< >






Facebook
Twitter