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Se mouvoir en contexte incertain : une économie de la turbulence



Jeudi 20 Septembre 2012 - 16:27

L’environnement économique est un écosystème en perpétuelle mutation. Les révolutions technologiques successives ont fini par modeler les sociétés humaines sur des valeurs et des pratiques nouvelles. Régi par l’immédiateté des échanges, le monde dans lequel nous évoluons incite plus que jamais l’entreprise à être réactive : l’action doit être efficace et les résultats visibles. Quel mode d’organisation correspond à ce contexte inouï où ce qui est vrai un jour peut être invalidé le lendemain ?


Se mouvoir en contexte incertain : une économie de la turbulence
L’entreprise doit être souple, créative, réactive mais comment conserver l’esprit « start up » au-delà de 500, 1000 ou 5000 collaborateurs ? De la réponse à ces questions dépend la survie des entreprises dans une économie de la turbulence. On distingue généralement trois modes d’organisation : l’organisation pyramidale, l’organisation matricielle ou par projet et l’organisation en réseau.
 
Le premier mode d’organisation offre des repères clairs et un processus décisionnel efficace. Il n’est cependant pas propice à l’innovation et peut même être facteur de rigidité. Le second favorise la conduite des projets mais décourage parfois l’évolution personnelle. Assurément le dernier mode est le plus adapté à l’environnement d’aujourd’hui. Moins formaliste, l’organisation en réseau laisse plus d’initiative à l’individu, elle l’incite à des prises de décisions rapides. L’action peut être évaluée et corrigée dans un laps de temps réduit et, le cas échéant, la cible peut être ajustée.
 
Est-il cependant possible pour une entreprise de grandir considérablement tout en gardant une structure en réseau ? C’est une première question. Le temps agit sur l’entreprise comme il agit sur l’homme et si les charmes de l’âge existent, il n’en reste pas moins que les risques existent bel et bien. Ainsi en va-t-il de la « prise de poids incontrôlée », des mauvaises habitudes contractées au fil du temps, des lourdeurs de fonctionnement et, pour achever ce portrait peu flatteur, de la faible capacité d’adaptation aux technologies.
 
Deuxième interrogation qui fait écho aux difficultés traversées par la Société Générale en  2009 : l’organisation en réseau est-elle capable de s’autoréguler ? Autrement dit, comment prévenir les abus d’électrons libres ? Plus de souplesse, signifie plus d’autonomie mais aussi moins de repères pour l’individu et plus de risques de surchauffe de l’ensemble de la structure. Comment conserver une cohérence dans l’action et la cohésion des équipes ? Un système en réseau, à l’instar d’un régime démocratique, offre plus de libertés. C’est une conquête, certes, mais cela ne doit pas devenir un nouveau far west pour autant. 

Quand la biologie vient en aide à l’entreprise

Les réponses à ces questions sont au cœur de la réflexion stratégique et de la pratique managériale d’entreprises qui font le choix de fonctionner sur le modèle d’organismes vivants.
 
Il s’agit du mode d’organisation choisi par les pôles de compétitivités, ces clusters français qui créent des synergies entre entreprises, établissements d'enseignement supérieur et organismes de recherche pour mettre en œuvre des projets de développement innovants. C’est aussi celui choisi par Altran, organisée en 200 filiales, toutes autonomes dans leur gestion opérationnelle et leur stratégie commerciale; ou par Cofely Ineo, filiale de GDF-Suez, spécialisée dans le génie électrique et qui comprend 220 centres de profits.
 
Le « management biologique » considère en effet l’entreprise comme un système vivant, un organisme biologique qui s’adapte à son environnement. A l’image de tout être vivant, l’entreprise est constituée de cellules indépendantes, dotées d’un fonctionnement qui leur est propre et qui concourent ensemble au développement harmonieux de l’organisme. Chaque cellule échange avec les autres cellules matières, énergies et informations. Ce management innovant ne se situe pas aux mêmes niveaux que ceux des systèmes pyramidaux, matriciels ou en réseau : il les dépasse pour devenir à la fois une synthèse et une révolution notable de ceux-ci.
 
Le cas de Cofely Ineo, entité du groupe GDF-Suez, est une des meilleures illustrations du modèle biologique. Avec 14 500 collaborateurs et un chiffres d’affaires de 2 milliards d’euros, Ineo intervient sur des projets d’installation et d’intégration de systèmes dans les domaines très variés de l’électricité industrielle et tertiaire, des réseaux d’énergie, d’éclairage public, des infrastructures de transport et de télécommunications, de sécurité globale, de production d’énergie et d’externalisation. Et il n'existe pas moins de 300 sites Ineo sur l’ensemble du territoire français. L’entreprise bénéficie ainsi d’un maillage territorial qui renforce sa proximité et sa réactivité auprès de ses clients. 

Modèles d'organisation traditionnels: n'en garder que le meilleur

1 - Cofely Ineo emprunte d'abord de modestes caractéristiques à l’organisation pyramidale. Les différentes entités de l’entreprise sont fédérées autour du socle de valeurs impulsées par son dirigeant, Guy Lacroix, et diffusées au sein de l’organisation par 5 patrons de division et 35 directeurs délégués. L’information suit des canaux de transmission reliant le noyau dirigeant et la périphérie tactique et opérationnelle.
 
Cette personnification forte du top management, qui adopte les grandes décisions stratégiques, s’avère être un élément déterminant qui permet à l’entreprise de se mouvoir avec confiance dans un contexte instable. Elle s’accompagne d’une certaine latitude des équipes à traduire ces orientations stratégiques sur le terrain sous forme d'adaptation tactique.
 
Cette forme de souplesse décisionnelle constitue plus qu’une soupape, elle peut être déterminante en situation de crise. Chacun se référera à des cas dans lesquelles des entreprises pétrîtes de certitudes sont incapables de s’adapter à des situations nouvelles et évolutives. A contrario, les notions d'autonomie, de respect, de responsabilité, de confiance ou de solidarité entre les équipes font partie du patrimoine d'Ineo, et fondent l'équilibre relationnel qu'il existe entre les différents stades et relais décisionnels.
 
2 - L’organisation de Cofely Ineo n’est pas non plus sans rappeler l’organisation matricielle. Celle-ci permet une mobilisation ad hoc de compétences diverses et la gestion de projets transversaux. Elle accroît de fait les facultés d’adaptation et d’évolution dans un environnement complexe. Chez Cofely Ineo, ce modèle se nourrit d’une politique de formation interne constante, qui va au-delà des dispositifs obligatoires découlant de la loi. L’école Ineo renouvelle ainsi le vivier de compétences disponibles et crée de nouveaux cursus « qui participent pleinement au déploiement de la stratégie de l’entreprise (…) en matière d’énergies renouvelables, d’Efficacité Energétique, de renforcements des politiques commerciales, ou d’impulsion de la dynamique managériale », affirme le rapport annuel 2010 de l’entreprise.
 
3 - Une organisation par capillarité, des métiers multiples, une large place laissée à chaque individu et des centres de profits capables de fonctionner de manière autonome sont enfin les indices d’un fonctionnement en réseau. Cofely Ineo évolue comme un ensemble de cellules formant une entité dont la cohésion est renforcée par la diffusion de valeurs fortes. L’équipe dirigeante, les centres de profits, les services internes de l’entreprise sont sur le même plan que les consultants externes, les sous-traitants ou les autres entités du groupe. Chacun, du dirigeant jusqu’au plus modeste collaborateur, est en soi un nœud du réseau à la fois autonome et connecté à l'ensemble. Les clients sont une partie intégrante de ce réseau. Les interactions avec eux permettent une grande réactivité.
 
L’extérieur –le client, les fournisseurs, l’environnement- n’est pas perçu comme étranger, encore moins comme une menace, mais comme un partenaire avec lequel se poursuit une démarche constante d’acquisition de nouvelles compétences. L’entreprise devient apprenante et chaque collaborateur dans son propre réseau crée les connexions qui aboutissent à la décision optimale. La relation client est le produit d’une fertilisation croisée, le réseau est mobile, les synergies se créent en fonction du contexte : en un mot l’entreprise est vivante, dotée d’une intelligence collective. L’acquisition de cette intelligence est l’objectif de l’organisation biologique et la clé de sa réussite.
 
Le monde tel qu’il est aujourd’hui impose de nouvelles pratiques, de nouveaux paradigmes. Aux évolutions technologiques, aux constantes remises en question de lois économiques qui semblaient immuables, s’ajoute une nécessaire révolution dans notre façon de considérer le travail en commun. Les entreprises sont aujourd’hui face à un défi : répondre aux attentes de leurs clients tout en s’adaptant continuellement à un contexte en perpétuelle mutation. Elles pourront le relever en s'inspirant de cette nouvelle forme de management qui accompagne un paradigme pourtant évident : les hommes vivants crée l'entreprise vivante.


La Rédaction







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