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Engagement salarié : le management, plus fort que le salaire



Vendredi 7 Novembre 2025 - 16:09

Sous des apparences de routine, le désengagement s’installe au cœur des entreprises. La 12ᵉ édition du baromètre IFOP–Colonial SFL intitulé « Paris Workplace » en dresse un constat précis : un salarié sur cinq décroche, non pas par rébellion, mais par retrait. Un phénomène que les DRH et managers ne peuvent plus ignorer, tant ses effets sur la cohésion, la performance et la fidélisation s’avèrent profonds.


​Un quart des salariés décrochent, souvent sans bruit

D’après un récent sondage IFOP pour Colonial SFL, 22% des salariés interrogés se disent « désengagés ». Ces collaborateurs ne partent pas, mais s’éloignent peu à peu du collectif. Ils répondent aux mails, assistent aux réunions, mais sans y trouver de sens. Leur détachement se traduit souvent par une préférence marquée pour le télétravail : 44% d’entre eux souhaiteraient travailler à distance quatre à cinq jours par semaine, contre seulement 14,5% chez ceux qui privilégient la présence au bureau.

Ce repli physique nourrit un isolement social. Près de 39% des désengagés se sentent seuls dans leur entreprise, et 52% déclarent ne « jamais ou rarement » partager un moment de convivialité avec leurs collègues. Ces comportements, apparemment anodins, forment les premiers signaux faibles d’un désengagement profond. Comme le souligne le baromètre, « le désengagement est discret, mais destructeur ». Dans les faits, il se traduit aussi par un affaiblissement de la marque employeur : 71% des désengagés sont des détracteurs de leur entreprise, et 42% envisagent de la quitter dans les deux ans.
 

​Un management de proximité comme antidote

Pour les DRH, la clé de lecture du désengagement ne se situe pas dans la grille salariale, mais dans la qualité du management. L’étude le montre clairement : « L’engagement se nourrit avant tout de reconnaissance, de confiance, de lien social… et d’un environnement de travail adapté ». Ce constat s’incarne dans les chiffres. 91% des salariés très engagés affirment que leur manager les félicite ou les remercie, contre 50% des désengagés. De même, 93% des collaborateurs engagés estiment bénéficier du soutien de leur supérieur, un taux divisé par deux chez les désengagés.

La reconnaissance et l’écoute managériale produisent ici un effet de levier direct sur l’engagement. Quand 88% des salariés très impliqués déclarent être consultés avant qu’une décision soit prise, ils ne sont que 38% parmi les désengagés. Le baromètre résume cette équation simple : « Un salarié soutenu est un salarié engagé, fidèle… et performant ». À l’inverse, l’absence de feedback ou de reconnaissance mine la motivation, dégrade la confiance et précipite le départ des talents.

Le rôle du management intermédiaire devient donc crucial. Ce sont les managers de proximité, plus encore que la direction générale, qui portent la capacité à créer un climat de loyauté et d’écoute. Leur relation quotidienne façonne directement la perception de l’entreprise, bien davantage que les politiques RH ou les avantages financiers.

​Les bureaux, catalyseurs d’engagement et de loyauté

L’étude révèle également le poids du lieu de travail dans la dynamique d’engagement. Pour 84% des salariés super-engagés, les bureaux favorisent l’esprit d’équipe, contre 19% seulement des désengagés. Autrement dit, le bureau n’est pas qu’un espace fonctionnel : il demeure un vecteur symbolique d’appartenance et un outil de management collectif. « Les bureaux sont essentiels dans la fabrique de l’engagement », insistent les auteurs du rapport. Là où l’espace est perçu comme convivial — cafétéria, espaces de détente, restaurant d’entreprise —, l’engagement se renforce mécaniquement.

Les conséquences managériales sont directes : un cadre de travail agréable et bien conçu soutient la fidélisation. Seuls 23% des salariés très engagés quitteraient leur poste pour une augmentation de 5 %, contre 43% des désengagés. La fidélité ne se négocie donc pas sur la seule dimension financière, mais sur la qualité des interactions et du climat collectif. Dans les équipes où les relations entre collègues sont jugées « très bonnes », seuls 19% envisageraient de partir pour une faible revalorisation salariale, contre 49% lorsque ces relations sont médiocres.

Les DRH y voient un enseignement stratégique : la qualité du lien social réduit le turnover. Un salarié intégré, reconnu et soutenu se montre moins sensible aux offres extérieures, même plus rémunératrices.

L’alignement de valeurs, nouvel horizon de l’engagement

Enfin, l’étude pointe une évolution majeure dans la perception du travail : la recherche de sens. Les salariés les plus impliqués continueraient à exercer leur métier même sans contrainte financière. 65% des super-engagés affirment qu’ils continueraient à travailler s’ils gagnaient au loto, contre 22% des désengagés. L’engagement se nourrit ainsi d’un sentiment d’utilité, d’une cohérence avec les valeurs de l’entreprise et d’une attention portée à la mixité et à la responsabilité sociale.

Les entreprises perçues comme inclusives et engagées dans des causes sociétales renforcent nettement la fidélité. 79% des super-engagés jugent la mixité sociale, générationnelle et de genre importante, et 87% estiment que leur direction incarne cet équilibre. Cette diversité devient un indicateur de confiance et d’équité managériale. En miroir, 76% des salariés très engagés participeraient à des actions solidaires proposées par leur entreprise, contre 51% seulement des désengagés.

Ce lien entre valeurs partagées et engagement transforme la mission des directions RH. Le management ne se limite plus à la gestion des effectifs, mais s’étend à la culture de l’entreprise, à son éthique et à sa responsabilité collective. Le désengagement n’est donc pas seulement une perte de productivité : il est un symptôme de déconnexion entre les aspirations humaines et la réalité du management.


Anton Kunin







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